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Tous les textes, sauf indication contraire: © Jean Robert Bourdage 2012 - 2019

30.4.11

Pièce fictive, auteur fictif

Édouard II
de 
Henry Blake
(traduction de François Victor Hugo)
L’auteur
On connaît peu de chose de Henry Blake (Cambridge 1554- ?)
Issu d’une famille noble déchue, ce contemporain de Shakespeare (plusieurs fois accusé de plagiat) vécut une grande partie de sa vie en exil, fuyant ses nombreux ennemis, en France et autres pays du continent. C’est après la création de sa première pièce «Diseases Of The Virgin Queen» qu’il dût mener une vie de bohême et se faire discret. Puis viendront «Richard The Toad» et «Henri Ate». Il jouira tout de même de l’appui des Catholiques jusqu’à la parution de «So much for Bloody Mary» . Il quittera définitivement la terre d’Albion pour se réfugier en Amérique, où on a perdu sa trace... Quelque part entre «So much for Bloody Mary»  et son départ, paraîtra «Édouard II», qui connut un modeste succès en France. Encore aujourd’hui, Henry Blake est peu monté en Angleterre, où il est perçu comme un esprit dérangé et néfaste pour l’Empire. 
La traduction
La traduction inachevée d’«Édouard II» serait bien l’oeuvre de François Victor Hugo. Si elle n’a été que récemment publiée, c’est selon le souhait de la famille, qui en interdisait la publication pour un demi-siècle.

La pièce

Drame historique de cinq actes, «Édouard II» nous raconte avec beaucoup de liberté (contrairement à Marlowe) la vie de ce roi impopulaire, dont les moeurs et la mollesse ont donné naissance à la révolte des barons, menée par sa propre épouse ainsi que Roger Mortimer. Le roi sera torturé et assassiné en prison. Isabelle de France et Roger Mortimer régneront jusqu’à la majorité d’Édouard III.

Acte 2 scène 2
Londres. Les appartements royaux.
Entre la reine Isabelle, suivie d’Édouard.
Isabelle.- Jamais femme n’aura subie pareil affront! Dussiez-vous accomplir mille hauts faits dès ce jour que je n’oublierai jamais cet instant. Fallait-il que vous soyez à ce point abject, devant les émissaires de la couronne de France, devant les agents de Philippe le Bel, ce roi, mon père!
Édouard.- Point besoin de me rappeler de quelle naissance vous êtes échues. Cependant, il semble que je me dois de vous signaler quelle lignée est la mienne, et que si Philippe règne de l’autre côté de la Manche, le monarque ici, c’est moi.
Isabelle.- Et quel monarque vous faîtes! Où le chambellan vous a-t-il retrouvé alors que nous attendions? Au bras de quelques palefreniers?
Édouard.- Sachez que je veillais personnellement aux travaux de réfection du château. Et que je me dois de m’assurer que tout se déroule selon nos désirs. Un roi n’a pas que des droits, il a aussi des devoirs.
Isabelle.- Et être mariée à vous ne comporte pas que des désavantages, il y aussi des inconvénients.
Édouard.- Sotte! Garce! Face d’Éthiopienne!
Isabelle.- Tu m’insultes! Ô perfide oppresseur de ta propre épouse.
Ils se battent.
Édouard.- Arrête gorgone! arrête ton bras, tu es une Amazone et combats avec l’épée de Déborah...
Isabelle.- Mais regarde-toi, pusillanime souverain, tremblant telle la perdrix avant que la chouette ne la croque. Ton sang est noble, dis-tu? Pourtant, tu te repais de boue et te vautres dans la fange. Il ne me reste plus qu’à te retrouver dans les bras d’un quelconque maçon paré de mes bijoux.
Édouard.- Et si j’y étais, et que cela me plaise, que trouverais-tu à redire? Dieu m’a voulu ainsi, il est mon maître et je lui obéis.

Isabelle.- Blasphèmes et abomination! Viens ici que je te désosse! Tu mérites une mort sans gloire.
Édouard.- La gloire est comme un cercle dans l’eau, qui va toujours s’élargissant, jusqu’à ce qu’à force de s’étendre, il s’évanouisse dans le néant.
Isabelle.- Silence philosophe! Tu n’as pas l’étoffe d’un monarque et je devrais régner à ta place. Arrière chien! Je te percerai dans ton large chapeau ridicule, si tu persistes dans ton insolence!
Édouard.- Ah! Arrière toi-même! Je ne reculerai pas d’un pied. Que ceci soit un autre Damas; sois le Caïn maudit, et tue ton frère Abel, si tu veux!
Isabelle.- Je ne comprends rien à ton charabia! À tes inepties! À tes calembredaines!
Édouard.- Et toi, Louve de France, toi qui à moi devant Dieu fut mariée,  te crois-tu sans faute? Sache que dans la tour se trouve Mortimer, ton Mortimer, et bien que je suis assuré que tu ne lui as jamais touché, je sais que c’est lui qui occupe toutes tes pensées.
Isabelle.- Qui es-tu pour prétendre connaître ce que je pense?
Édouard.- Les tourmenteurs ont bien travaillé. N’aie crainte, ils ne l’ont pas trop abîmé. Mais Mortimer demeurera à la tour aussi longtemps que je le voudrai. Du moins, jusqu’à ce que vous soyez une épouse et une reine convenable; une reine qui, bien que son rang lui confère certains avantages, n’oublie pas qu’elle est née femme.
Isabelle.- (À part.)  Mortimer, mon Mortimer, espoir du Royaume. Que t’a-t-on infligé? Si mon fils doit ressembler à quelqu’un, que ce soit à toi! Et qu’il ne reste plus rien d’Édouard dans le nouveau roi. Calme ton courroux, ô reine, car ton mari, bien qu’il soit pleutre, est capable des pires infâmies... Patience, Isabelle, feignons d’être conciliante, et tel le molosse rabroué par son maître, sois docile jusqu’au moment propice, où tu lui planteras tes crocs à la gorge. Et tu riras, triomphante, en te lavant la bouche souillée de ce sang infecte. Allez! compose toi un nouveau visage, l’heure de son glas aura tôt sonnée. (À Édouard) Accorde un gracieux regard à ton esclave prosternée.
Édouard.- Voilà qui est mieux. Je vous confie donc aux mains de Lady Despenser. Elle verra à ce que vous ne manquiez de rien. Je m’en retourne à mon mur et à ses maçons.
Isabelle.- Puisque Dieu vous a voulu ainsi.
Édouard.- Toi, tu n’es l’amie ni de Dieu, ni du roi.
Il sort.
Isabelle.- Ô doux Mortimer, ce que j’endure pour toi. Qu’un seul de tes baisers soit le baume qui cicatriserait la plaie qu’est devenue mon âme.
Entre Lady Despenser.

29.4.11

Une inconnue

Un si joli visage, jeune trentaine, cheveux noirs aux épaules, les yeux d’un bleu... Elle a les traits fins, elle est petite et menue. Elle marche d’un pas rapide, elle revient probablement de la garderie à voir l’enfant qu’elle transporte sur son dos. 
Elle s’arrête au feu rouge et sort un petit miroir de ses poches. Elle n’est pourtant pas maquillée, pensais-je. Mais non, c’est pour regarder son bébé sur son dos, lui sourire. C’est probablement une des plus belles images que j’ai vu depuis longtemps. Le feu tourne au vert et elle traverse, je marche aussi dans la même direction. Je suis heureux de pouvoir regarder ce bonheur encore quelques moments. Mais il marche vite le bonheur, trop vite pour moi. Je pourrais le rattraper, juste continuer à l’observer, mais je lui ferais probablement peur. C’est un risque que je ne veux pas prendre; le bonheur est si fragile.

28.4.11

27.4.11

J'ai envie de la route.
J'ai le goût de parcourir des centaines de kilomètres, en chauffeur bicéphale, à la fois vigilant et songeur.

25.4.11

Fuck you, Freud.

J'ai récemment fait une recherche google sur une actrice de la télé américaine que j'aimais bien et que je ne retrouvais plus nulle part.

Quelques nuits plus tard, je me suis mis à rêver à elle. Nous flirtions abondemment, et comme nous étions dans un endroit public, la foule n'était pas vraiment d'accord, particulièrement lorsque certaines vieilles flammes font partie de la foule et que la jeune actrice a 29 ans et moi 45.

C'est alors qu'elle m'entraîne, me tirant par la main, dans une ruelle. Elle ouvre une porte, c'est une cage d'escalier éclairée au néon et nous arrivons au sous sol. Ce sont deux salles de classe, les deux portes sont ouvertes, l'une des classes est remplie d'étudiants asiatiques, l'autre est sombre et inoccupée. Je m'assieds donc sur une chaise à roulettes qui traînait dans le corridor, et la jeune actrice vient s'asseoir sur moi, et nous faisons glisser la chaise dans la salle de cour, tout en nous embrassant avec passion. Tout est merveilleux jusqu'à ce que je m'aperçois, que si la salle est sombre, c'est parce qu'on y projète un document audio visuel, et que maintenant une cinquantaine de jeunes asiatiques me regardent, perturbés. Je me tourne vers la jeune actrice, mais ce n'est plus une jeune actrice, c'est mon chat, oui oui, mon chat dans la vraie vie.

Je la ramasse d'une main et je me tourne vers la salle de classe en disant très fort «Ah! la voici enfin, je la cherchais partout!» et je suis parti. Et je me suis réveillé, plutôt perplexe.

18.4.11

À la maison, nous étions si pauvres, qu'une fois, à Noël, je n'ai reçu pour seul cadeau qu'un adverbe.

13.4.11

Une inconnue

Il entre dans la chambre, comme il le faisait tous les mois jadis. Rien n’avait changé sur l’étage. Elle est assise devant le téléviseur, comme toujours. Cela faisait maintenant six mois qu’il ne l’avait pas visitée, depuis que l’état de santé de leur mère s’était détérioré. Maintenant qu’elle était décédée, il a retrouvé le courage d’aller voir Julie. Elle ne réagit pas. Elle ne réagit jamais. Ni à sa présence, ni à rien. Parfois, elle sourit lorsqu’il y a un dessin animé à l’écran. Elle ne réagit donc pas à l’annonce du décès de sa mère.
«Maman est morte, Julie. Son corps était devenu inhabitable; les reins, le cancer, les deux infarctus, la thrombose... Elle n’en pouvait plus. Elle est partie... Voilà.»
Les miracles ne se produisent jamais quand il le faut. Les miracles, ce n’est pas la cavalerie. L’homme continue: « Je voulais aussi te dire que c’est la dernière fois que je viens te voir. Faut que je passe à autre chose. C’est pas comme si t’appréciais mes visites dans le fond. Soyons honnêtes. Je venais pour moi. Et puis je suis fatigué. Je te vois, je me sens coupable, ma naissance a bousillé la tienne. Même si j’ai beau me répéter que c’est un accident. Je peux pu traîner cette culpabilité. Pis le fait que je veuille avancer... et te retrouver ici, chaque fois, au même point, immobile... C’est comme un boulet à mon pied. Je n’en veux plus. Je ne joue plus. Je ne viendrai plus. Je t’oublierai pas, je t’oublierai jamais, je vais toujours sentir où le boulet était attaché, mais je pars. C’est fini. Pis je suis là, devant toi, je te dis ça à voix haute, mais c’est à moi que je le dis. Je me commets, parce que j’ai encore peur de changer d’idée. Je suis pas très solide, c’est un malheur confortable. Pis y a le regard des autres aussi, nos frères et soeurs. Ben je voulais te dire aussi que si pour me débarrasser de ce fardeau, je dois cesser de les voir eux-aussi, je le ferai. De toute façon, on faisait tous ça pour maman. Oui, il fallait faire notre famille. Elle tenait à peine, grâce à des bouts de ficelle, de tissus et de ruban gommé. C’était clair que ça pouvait pas durer. Alors voilà. Bye Julie. Je t’aime. Es-tu heureuse au moins dans ton trou noir?»
Par politesse, l’homme attend une réponse qui ne vient pas. Son regard fixe le sol un moment, il remet son chapeau et sort. Julie sourit, mais c’est à cause de Bugs Bunny.

12.4.11

The past is not dead. In fact, it’s not even past.


-William Faulkner

Une inconnue

Je roulais sur l'autoroute en direction nord. La ville était derrière moi depuis plusieurs kilomètre déjà. La route s'est rétrécie sur deux voies, et une jolie camionnette jaune passe devant moi. Je distingue le chauffeur, un homme seul, conduisant d'une main, et jetant des coups d'oeil à son cellulaire dans l'autre. Une fois bien devant moi, je remarque un auto collant sur le pare-choc arrière: «Virginia is for lovers».

Quelques minutes plus tard, je me fais dépasser par une Mustang vieille de plusieurs années, conduite par une femme dans la trentaine, avec une chevelure blonde, abondante et bouclée. Elle conduit d'une main et tient son cellulaire de l'autre. Elle lit un message texte, et sourit. Elle a le sourire coquin. Elle me dépasse complètement et se glisse juste devant moi. Sur le pare-choc arrière, un auto collant: «Virginia is for lovers»

Voilà, elle vit une relation secrète avec l'homme de la camionnette. Elle a marié le premier gars qui l'a fait rire, un criss de bon gars, mais la flamme est éteinte depuis longtemps. Un jour, elle a eu besoin de prendre ses distances et s'est tapée un road trip avec sa cousine jusqu'en Virginie. C'est là qu'elle a rencontré l'homme à la camionnette. Lui était là par affaire, mais a décidé de prolonger de quelques jours, il avait besoin de repos. Elle voulait juste se changer les idées. Mais dès que leurs regards se sont croisés ce soir là au bar, ils étaient foutus tous les deux. Ils se sont parlés. Rapidement, ils ont compris qu'ils étaient tous deux de Montréal. Ils sentirent le danger, le champs de mines. Mais ils restèrent là, à parler. Ils n'avaient pas les mêmes goûts, ne partageaient pas les mêmes intérêts; en fait, ils n'avaient absolument rien en commun à part ce désir animal l'un pour l'autre. Et puis voilà que de questions maladroites en réponses évasives, ils firent connaissance. Puis comme les mots ne fonctionnaient pas, ils se sont mis à danser, très près l'un de l'autre. Sans dire un mot, ils ont franchi le point de non retour. Sans dire un mot, ils se sont dirigés vers sa chambre à lui. Leur étreinte dura toute la nuit. Le lendemain, alors qu'il préparait le petit déjeuner, elle s'est avancée vers lui, l'a embrassé et lui a murmuré à l'oreille «Nous ne sommes pas faits pour la conversation, c'est la dernière fois que je te parle». Et elle lui donna son numéro de cellulaire sur un papier qu'elle tenait dans sa main. Puis elle est partie.

Depuis ce jour, à l'occasion, ils se pourchassent, par messages textes, et terminent leur course dans un motel lointain. Jamais le même. Après deux ans, ils ne se sont toujours pas adressés la parole. Ils n'ont vraiment rien à se dire.

8.4.11

scene 5 - Police interrogation room

Detective- These men killed innocent people because of that anarchist crap speech you gave.

Derek- I bet you have a point.

Detective- Maybe you're frustrated... or bored. But some people just want to live a quiet uneventful life, and die surrounded by their loved ones. Ever thought of that?

Derek- Do you know Imu Tosari? He was a quiet guy, just like those people you described. Fixing clocks, that's what he did, and mind his own business. He was minding his own business in his shop in Hiroshima on August 6th, 1945. And what about Shaleef Amir? He was in the car renting business, gave to charity, went to his mosque once in a while, but his house was accidentally carpet bombed in Iraq, while he was sleeping. But who gives a fuck? We won! ... See, it's the same here. I don't plan on losing. And don't look up those names I gave you, I made them up. But you believed me, didn't you?

implosion sociale

ce ne sera pas une révolution.
ce ne sera qu'une hausse de criminalité.
ce qui la rendra plus pernicieuse.

6.4.11

Une inconnue

C’était la première fois qu’elle s’adressait au groupe. Pourtant elle était là chaque semaine. D’un trait, elle nous annonçait qu’elle cessait sa médication, ses consultations et que probablement ce serait sa dernière présence ici, qu’elle cessait le combat, qu’elle laissait la maladie gagner.
On ne l’aurait pas crue malade, à première vue, elle n’avait rien de l’image physique que l’on se fait des femmes qui souffrent de ce trouble. C’était peut-être ça le problème; personne ne la prenait au sérieux en dehors du centre, ni ses parents, ni ses proches. Son corps était le meilleur déguisement du monde. Et je le voulais. Je la voulais. Pas pour discuter, nous n’avons probablement rien en commun, pas comme amie, peut-être comme alliée, des alliés aux ennemis opposés. Non, je la voulais, nue, dans mes bras. La possession. Je voulais qu’elle s’abandonne à moi, avec sa peau magnifique et sa bouche faite pour embrasser. C’est mon secret depuis la première rencontre. Je n’ose rien dire. J’aurais plus de chance avec une cousine lors de funérailles que dans ce groupe. Mais je la garde dans mon champs de vision, et m’assieds en face d’elle, chaque semaine.
Je la devine en quête d’absolu. Je l’imagine amoureuse de l’intensité, que ce qui ne demande pas un investissement total n’en vaut pas la peine. Elle est de celle qui veut découvrir un continent perdu, et ce soir, elle veut tout lâcher.
L’animatrice lui demande «Oui mais, tu veux vivre?». Elle répond «oui». La question lui a fait un effet d’électrochoc, et le temps qu’elle a mis à répondre me fait croire qu’elle y a vraiment réfléchi. Elle n’est pas de celles avec des réponses pré-fabriquées.
Je ne connais pas cette jeune femme. Je ne comprends pas sa maladie. Mais je la comprends, elle.

5.4.11

Il faut. Il vrai.
Je vrai.
Je.
Je plonge dans la marmite. Je bois la soupe.
Je rotte et j'écoute son écho.
Dans les bois la sorcière n'est plus; elle a fuit.
Je suis
Je vis
Je cours. Je n'ai pas peur des branches. Mes pieds nus n'hésitent pas.
Rien ne peut m'atteindre.
Je n'ai pas d'abri.
Je n'ai pas d'ennemi.
Tout est moi; forêt, montagne, rivière.
Et je ris si fort que les spectres ont la frousse.
Je ne pleurs pas, je pleus.
Je grimpe, je danse.
Même le feu est dompté.
Je n'ai nulle part où aller, tout est moi.
Et je me suffis.

Avant