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Tous les textes, sauf indication contraire: © Jean Robert Bourdage 2012 - 2019

10.6.12

L'entonnoir juin 2012



Le revolver est là, devant moi, sur la table à café. Un paquet de Lucky Strike entamé à côté. J’avance la main, lentement, en gardant un oeil sur Sven. Il ne bronche pas. Je prends une cigarette et l’allume avec mon propre briquet. Sven est toujours immobile, assis sur le petit tabouret près de la porte, une main sur sa plaie à l’abdomen, l’autre crispée sur son Lüger, pointé vers le sol. Il a le regard vitreux de ceux qui semblent sur le point de mourir. Il n’en demeure pas moins dangereux.

La cendre de ma cigarette tombe accidentellement sur le canapé. “Merde!” Je dis. Aucune réaction de Sven. Tiens donc. Je me décide à me lever doucement.

Sven. Impassible.

J’avance le plus silencieusement du monde vers lui. Son regard demeure fixé sur l’endroit où j’étais assis. Ça se confirme. Je porte deux doigts à son cou pour me rendre à l’évidence: Sven n’est plus.

Au moment où mes doigts relâchent la pression sur son cou, le Lüger tombe au sol et fait feu. Un bruit d’enfer dans la petite pièce. Je reste immobile, épiant les sons du corridor. Il semble qu’une porte vient de se refermer en vitesse, mais ça semble loin.

Je fouille l’intérieur de la veste du danois et en retire la fameuse enveloppe jaune. Je la glisse dans la poche de mon pardessus. Je m’approche de la porte. Verrouillée. Je tâtonne le pantalon du défunt, à la recherche d’un porte-clés, quand les bruits de pas se rapprochent de la pièce.

Penser. Agir. Rapidement.

Je mets la main sur la plaie de Sven et je répend du sang sur ma chemise, à la hauteur du foie. Je mets aussi du sang sur les commissures de mes lèvres.

Les pas sont tout près.

Je retourne m’asseoir à ma place sans faire de bruit. Je prends position sur le canapé, ma main gauche, ensanglantée, sur mon flanc droit, partiellement cachée par mon pardessus, ma tête légèrement inclinée vers l’arrière.

Les pas sont derrière la porte. Une voix masculine parle dans une langue que je ne connais pas. Une clé s’insère dans la serrure.

Je retiens mon souffle. Je suis mort.

Le revolver est là, devant moi, sur la table à café.

Avant