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Tous les textes, sauf indication contraire: © Jean Robert Bourdage 2012 - 2019

31.10.11

Non! non, c'est encore bien plus beau lorsque c'est inutile! (Cyrano de Bergerac)

30.10.11

Scène 5 Jennifer


Jennifer est un long moment seule dans le green room. Il s’agit d’un montage plus ou moins rapide avec peu ou pas de dialogue. Plus on avance, plus elle se sent lasse / déprimée.

Jennifer est assise sur le divan, regarde ses pieds.

Jennifer est plus enfoncée dans le divan.

Jennifer se liquéfie sur le divan.

Jennifer est au téléphone de la loge, sur le «main libre», on entend «vous n’avez pas de message»

Jennifer est à l’envers sur le divan.

Jennifer est de retour au téléphone de la loge, sur le «main libre», on entend «vous n’avez pas de message»

Jennifer est couchée sur le divan, endormie.

29.10.11

Vieux projet que j'aimerais remettre sur les rails.

L’histoire se déroule à Montréal, à l’époque actuelle. Nous sommes à la fin de l’été, début de l’automne.

Générique d’ouverture sur fond noir. 
Pendant le déroulement du générique, on entendra les appels d’un répartiteur de taxi. 
Les appels sont assez dispersés et pour cause, on est en pleine nuit.
Lorsque le générique se termine, on aperçoit un chauffeur de taxi (Adrien Lamontagne) qui dort au volant de son véhicule stationné. 
Il n’entend vraisemblablement pas les appels sur le CB. 
On est en plein quartier Centre-Sud. 
On entend quelqu’un crier. 
Le chauffeur se réveille et aperçoit à trois mètres un homme élégamment vêtu (Dominique Gondebaud, visiblement éméché) qui s’avance vers le taxi. 
Le chauffeur démarre la voiture. 
Au moment où Gondebaud ouvre la portière, une camionnette sombre (de style Econoline) fonce vers eux et s’arrête brusquement à côté du taxi. 
La porte coulissante de la camionnette s’ouvre . 
Trois hommes masqués, armés de gros calibres, font feu en direction des deux hommes. 
La camionnette repart pendant que les assassins referment la porte coulissante de l’intérieur. 
Une dame vivant dans un appartement dont la fenêtre donne sur cette rue (Mme Lavigueur) appelle immédiatement la police. 
Les deux hommes sont morts. 


On se transporte dans un bar peu achalandé de Montréal où les inspecteurs Thibodeau, Ste-Croix et Napoléon prennent leurs bières hebdomadaires (les jeudis) ensemble. 
On fait connaissance avec les protagonistes. 
Un homme du nom de Gariépy passe, les salue, puis leur donne sa carte d’affaires. 
Il est enquêteur pour une importante compagnie d’assurances, au double de leurs salaires. 
Il les invite à venir travailler avec lui. 
On décline. 
Gariépy part. 
Puis la conversation reprend. 
Thibodeau leur parle de son enquête; un indic dans une affaire de crime organisé a été abattu dans son commerce, et le commerce incendié. 
Tout à coup, le cellulaire de Ste-Croix sonne. 
Il est convoqué au bureau immédiatement, Napoléon aussi. 
Ils partent. 
Thibodeau termine tranquillement sa bière.

Une fois rendu au poste, Ste-Croix et Napoléon sont mis au courant: le consul de France à Montréal a été assassiné en pleine rue dans le quartier Centre-Sud.

27.10.11

L'amour est un immigrant; il ne reste que s'il se sent bienvenue.

26.10.11

De la peur du dentiste...

Sa peur du dentiste n'était pas tout à fait une chose irrationnelle. D'abord, même très jeune, il devait y aller seul. Le dentiste avait son bureau dans une immense maison victorienne de l'autre côté du "boulevard" qui limitait son quartier. Ça le faisait rire à présent, puisque ce dangereux boulevard n'est rien d'autres qu'une rue à quatre voies, comme il y en a tant. Mais à l'époque, il était immense et plein de dangers comparé aux trois petites rues isolées de son quartier.

Il lui fallait donc d'abord traverser ce boulevard terrible, plein de voitures immenses, et se rendre dans cette maison aux airs lugubres, située entre un salon funéraire et l'église de sa paroisse. Bonjour l'ambiance.  Mais c'est à l'intérieur que c'était le pire. Voyez-vous, le dentiste en question pratiquait aussi la taxidermie comme violon d'Ingres, et le cabinet, ainsi que la salle d'attente, étaient remplis de ses oeuvres: hiboux, lynx, renards, tous figés dans des positions terrifiantes. Le gamin se disait sans doute qu'il devait y en avoir d'autres. En fait, il pensait même que certains patients... car voyez-vous, le dentiste en question n'avait rien de rassurant; maigre et chauve, avec un sourire menaçant et une voie gutturale, il avait tout du cliché du scientifique fou, ou du médecin nazi, selon votre éducation. C'était particulièrement vrai lorsqu'il approchait le masque à gaz de votre visage car, oui, ce dentiste préférait ses patients sous anesthésie générale. Il n'en fallait pas moins pour le tout jeune homme de croire que certains patients ne se réveillaient jamais et se retrouvaient empailler dans une pièce secrète de la grande maison. Le jeune homme avait l'imagination fertile.

La dernière fois qu'il alla chez ce dentiste, la porte entre le cabinet et la salle d'attente était demeurée entrouverte. Le patient sur la chaise était un colosse à la longue chevelure noire. Un amérindien, sans doute, se disait le gamin. Le patient était éveillé et trois hommes retenaient ses bras et jambes alors que le dentiste-Mengele tentait de lui arracher une dent à vif avec des pinces. Les cris de l'amérindien glacèrent le sang du gamin qui, dans un geste qui relevait plus selon lui de la survie que de la peur, s'enfuie à toutes jambes et rentra chez lui par un chemin détourné, le temps de songer à l'excuse qu'il allait présenter à sa mère.

Aujourd'hui, le dentiste est depuis longtemps décédé. Le gamin n'est plus un jeune homme, mais il est toujours hanté d'un frisson lorsqu'il passe devant la vieille maison victorienne, désormais convertie en musée de la taxidermie.

24.10.11

Extrait de Glutamate Monosodique (court métrage)

Bruit d’un radio-réveil (seulement le buzzer, pas la radio). Gros plan de Judith qui dort et dont le bras va machinalement appuyer sur le snooze. Elle se tourne sur le dos. Elle n’a pas suffisamment dormi. Elle se lève et retire une couverture qui recouvrait la fenêtre. L’appartement s’illumine par l’entrée des rayons de soleil, C’est-y pas beau... On se rend compte que tout est empaqueté. Plusieurs boîtes de carton sont empilées dans un coin. Elle est rushé un peu. Elle range le drap qui couvrait la fenêtre, tente de plier son futon. On sonne à la porte. Elle sort du cadre et va répondre.

JUDITH- (hors-cadre) Ah! Salut! Entre, entre...

Elle revient dans le cadre et est suivie par Robert. Lui aussi semble fatigué.

Robert- J’ai eu peur de te manquer.

JUDITH- Inquiète toi pas, tu vas me manquer.

Ils se regardent. Temps. Judith va vers son sac. Elle en sort le livre qu’elle lui a piqué, et en ramasse un autre sur une boîte. Elle lui tend son livre.

JUDITH- Tiens, je l’ai lu, merci.

Sourire gêné de Robert. Elle lui tend l’autre livre.

JUDITH- Ça, c’est un cadeau. Je me suis dit que ça te plairait.

Robert prend le livre. Ce n’est pas un livre neuf, mais c’est un livre ancien qui semble avoir une certaine valeur. NB à aucun moment on ne saura de quel livre il s’agit.

Robert- Merci. Il ouvre le livre et quelque chose en tombe. C’est une photo. Le Tech la ramasse. Gros plan de la photo. C’est Judith,sur scène, dans un spectacle de théâtre.

JUDITH- Ah mon Dieu... Ça fait un bout de ça. Je venais de sortir de l’école... Temps. 

Robert- Ça te manque le théâtre?

JUDITH- ... J’aurais un service que je voudrais que tu me rendes.

23.10.11

Pièce fictive, auteur fictif


Le test du ring (The count of three, 1988)
de Doug Stazensky
traduit de l’américain par Thierry Gadonsa
L’auteur

Doug Stazensky est né à Minneapolis en 1943, d’une mère institutrice et d’un père ouvrier. Études de base, résultats moyens. À dix-huit ans, il quitte sa ville natale pour Los Angeles. C’est là qu’il devient cascadeur, se spécialisant dans les poursuites automobiles. Puis à trente-sept ans, c’est la tragédie; Doug perd l’usage de ses deux jambes à la suite d’une fausse manoeuvre sur chaussée glissante. C’est alors qu’il décidera d’écrire, et d’écrire plus particulièrement pour le théâtre. C’est la révélation. Son oeuvre tourne principalement autour de ses travailleurs de l’ombre qui font en sorte que les héros existent. «Le test du ring» est sa première oeuvre traduite dans la langue de Molière.

Doug Stazensky collabore depuis quelque temps aux scénarios de divers longs métrages à Hollywood, notamment le fameux «Gone in sixty seconds».

La pièce a été créée chez nous en 1998 au théâtre Sganarelle de Lille, dans une mise en scène de Gustave Pion.


Du même auteur
Daredevils (1983)
The Guy who won’t Fall (1984)
Window Breaker (1986)

La pièce

Pour la première fois, l’auteur s’attaque à une institution sacrée de l’Amérique; la World Wrestling Federation. Ce drame en trois actes nous montre l’amitié entre Steve «Eruption» Dallas (jeune étoile montante) et Jake Meighan ( son premier entraîneur, résigné a jouer les masqués inconnus). Stazensky nous montre tous les rouages, et les coulisses de cette organisation tentaculaire qui fait le rêve de bien des jeunes Américains, qui voient en le ring leur seule façon de s’en sortir.

L’extrait

La courte scène présentée ici se situe au début du troisième acte. La scène se déroule dans la loge de Jake Meighan, juste avant un combat de première partie, à Los Angeles. Dégoutté, déprimé, il sait qu’il doit encore perdre ce soir, il n’a plus la cote, il se fait vieux. Il veut recommencer à boire. Il tente de rejoindre Steve qui est en tournée promotionnelle sur la côte Est, mais en vain. Heureusement pour lui, son adversaire de la soirée, Clint «Liberty» Oswald, un chic type, vient lui rendre une petite visite avant le combat.

Personnages

Jake Meighan: Début quarantaine. Un athlète qui vieillit mal.
Clint Oswald: 26 ans. 1m 87. Beaucoup d’avenir. Les femmes l’adorent.

Acte 3 Scène 2

Une modeste loge d’aréna. Lit bunker. Une table et deux chaises. Une affiche; photo d’une fille en maillot de bain. Une porte à jardin. Jake est seul, en sous-vêtements, assis sur le lit, pieds au sol, un téléphone à la main. À côté de lui, sur le lit, est étalé un costume sombre de lutteur. On remarque sur la table une bouteille de Jack Daniel’s (NdT: whisky américain) pas encore débouchée. On entend le cri d’une foule satisfaite dans l’auditorium.

Jake: (au téléphone) ... Ça fait déjà dix minutes que j’attends! ... Mais...
Oui je sais que vous avez du travail, mais je vous répète que c’est important... oui chambre 417... Comment? Personne! Alors essayez le 418... Consultez vos registres, que diable! Ce n’est pas tous les jours que vous avez un client de la trempe de Steve Dallas... Oui... Non... Mais enfin... Oh! et puis merde!

Il raccroche. Il fixe longuement la bouteille de Jack Daniel’s, puis son costume. Il se lève lentement, s’approche de la table et pose la main sur la bouteille. Au même moment, on frappe à la porte. Jake lâche la bouteille.

Jake: Ouais?

La porte s’entrouvre. C’est Clint Oswald dans son costume de «Liberty» (demi masque, collants or: le héros)

Clint: Pardonne-moi, Jake, je voulais simplement m’assurer que tu étais bien «Pile Driver» (NdT sonnette) ce soir, je dois faire une intro pour la télé. (Jake fait oui de la tête) ... Quelque chose qui ne va pas? Ce ne sont pas tes lombaires qui disjonctent encore, j’espère? (aucune réaction de Jake) Si tu veux, on peut laisser tomber le saut du troisième câble et passer directement aux rabattements.

Jake: Mon dos va très bien.

Clint: Mais alors...

Jake: ... Alors j’en ai marre. «Pile Driver» ce soir; hier c’était « Mister Hurricane» (NdT  Monsieur Ouragan) et demain «Rocket Launcher» (NdT Lance-fusées) ; tous des noms qui n’allument aucune flamme dans l’oeil de notre jeunesse. Je suis foutu; Jake Meighan, c’est terminé.

Clint: Tu exagères... Peut être que ces jeunes ne te connaissent pas, mais il y a plein de gens de ma génération qui se souviennent des exploits de «Captain No Mercy» (NdT Capitaine Sans Pitié)

Jake: (dans un murmure) «Captain No Mercy».

À ce moment, Clint aperçoit la bouteille de whisky.

Clint: Jake...

Jake aperçoit Clint qui aperçoit la bouteille de whisky.

Jake: Et quoi? C’est tout ce qui me reste dans cette putain d’existence. Tu veux me l’enlever?

Clint: Mais tu as perdu la tête? Nous ne jouons plus aux jeux des gamins ici! C’est la WWF! Tu veux perdre ton travail? 

Jake: Perdre mon travail? C’est la meilleure! Mon travail C’EST de perdre! 

Clint: Et tu le fais magnifiquement bien. Mais je ne tolérerai pas de me battre contre un homme aux facultés affaiblies.

Jake se lève, furieux, et se jette sur Clint.

Jake: Tu vas voir si j’ai les facultés... AOW! (Clint l’esquive et lui flanque un coup sur les lombaires, Jake est neutralisé)

Clint: Je... Jake... Je suis désolé. Laisse moi t’aider. (Il aide Jake à se rasseoir, ce dernier s’aggrippe à lui).

Jake: (dans un sanglot) Je suis foutu. Foutu. 

Clint: Mais non. Mais non. Mais il serait peut-être temps que tu te réorientes.

Jake: dans quoi? je n’ai pas fais d’étude. Le «ring» , c’est toute ma vie.

Clint: Justement! Pourquoi t’en éloigner? Il y a longtemps que nous n’avons pas eu un personnage d’entraîneur; ce serait une occasion parfaite de ramener «Captain No mercy»; tu pourrais être MON entraîneur. Et j’ai le vent dans les voiles ces jours-ci.

Jake: Tu crois?

Clint: Bien sûr! 

Jake: Peut-être! oui! Je vais y réfléchir.

Clint: En attendant, habille toi! j’ai à te foutre une raclée... Si je m’attendais un jour à dire cela à celui qui a réinventé le «Full Nelson»*

Jake: Plus personne ne se sert du «Full Nelson» de nos jours.

Un temps.

Clint: Si tu veux, je peux l’utiliser, dès ce soir.

Un temps.

Jake: Tu ferais ça pour moi?

Clint: Il n’y a rien que je ne ferais pas pour le «Captain No Mercy»...
Je n’ai qu’à pivoter après la prise de tête et au lieu du «Sledge Hammer» (NdT marteau de forgeron) , je te fais le «Full Nelson» avant de t’envoyer au tapis.

Jake: et que dira Brad de tout cela?

Clint: mais qu’est ce que tu veux que ça lui foute? En autant qu’on respecte le minutage. Il t’aime bien, Brad; c’est simplement qu’il est chiant avec tout le monde... Allez, «Pile Driver», enfile ton costume et montre-moi ce que tu sais faire!!!

Clint se dirige vers la porte, l’ouvre et va sortir, lorsqu’il s’arrête brusquement.

Clint: Jake...

Jake: Oui?

Clint: Tu sais... je... enfin... Que tu sois «Captain No Mercy» ou... ou... «Pile Driver»... Tu demeureras toujours pour moi une merveilleuse machine de combat...

Jake: (l’émotion est palpable) Merci Clint. Tu es vraiment un chic type.

Clint sort. Jake commence à enfiler son costume. Son regard s’arrête brusquement sur la bouteille de whisky. Puis d’un pas décidé, il se dirige vers elle, la saisit, et la jette dans les poubelles. On entend de nouveau la foule extatique. Jake sourit. 

Noir

*(NdT: le «Full Nelson» est une prise de combat se rapprochant de la clé de bras double, par opposition au «half Nelson» (demi) qui se rapproche de la clé de bras simple)

22.10.11

Dans l’histoire de la politique, on parle d’évolution à partir du moment où on passe d’une personne avec tous les pouvoirs à un paquet de monde avec de petits pouvoirs. C’est quand même curieux que du côté de la religion, ce fût l’inverse...

21.10.11

Extrait d'un radio théâtre.



(L'action se déroule dans un petit appartement de Montréal, pendant les préparatifs d'un "surprise party")


Isabelle met «The Köln concert» de Keith Jarrett. Elle revient s’asseoir, imperméable aux réactions. Elle met toujours ce disque.


Isabelle- ...  Fait que finalement, les fameux investisseurs d’Hong Kong, c’était pas vrai pantoute...


Diane- Non...Pis paraît que le bonhomme était pas  trop trop de bonne humeur.


Isabelle-Ben... Je l’comprends. Y’a perdu beaucoup...


Diane- Oui, mais y’a couru après...


Isabelle- C’est sûr... passe-moi les ciseaux, j’vais friser le ruban.


Steve- C’t’un beau cadeau que tu y fais à ton chum.


Isabelle- T’aimerais ça avoir un PlayStation, hein?


Steve- Mets-en...


Diane- C’est parce que ça prend un âge mental de 5 ans pour pouvoir jouer à ça.


Jacques- Encore une couple d’année mon Steve, pis on va t’en donner un toi aussi... Comme ça, l’bonhomme Turcotte aurait fini par trouver plus crosseur que lui.


Diane- Ah oui... Y s’est fait avoir, pis pas à peu près...


Jacques- Ça fait tu longtemps?


Diane- À peu près un mois; juste juste avant Noël.


Jacques- Tsé qui m’doit encore d’l’argent.


Isabelle- Oublie ça, y doit sa chemise à tout l’monde. Pis tu sais ben qui va r’faire une autre faillite pis qui va r’partir ça sur un autre nom.


Steve- C’est ça qui m’enrage; y va s’en sortir... Qui-cé qui t’as conté ça?


Diane- Isabelle...


Steve- Toi?


Isabelle- Non, pas moi, Isabelle Roberge.


Steve- La blonde à James?


Diane- Non, Isabelle Roberge, celle qui faisait la comptabilité quand tu travaillais là.


Steve- Frisée blonde.


Diane- Ça c’est Isabelle Melançon...


Isabelle- Isabelle Roberge avait les cheveux teints roux, ben ben courts.


Steve- Avec la narine percée...


Diane- Non, ça c’est la blonde à James... À l’avait son bureau à côté de celui de Jean-Guy... Tout le temps habillée en foncé... Non?... Végétarienne... Attends, comment tu pourrais la replacer...


Jacques- J’tanné de souffler des ballounes... Anyway, y pètent tout le temps.


Isabelle- C’est vrai qui sont un peu cheap...


Diane- C’est Steve qui a voulu sauver de l’argent encore...


Jacques- Eille, Steve. Y a pas juste le Club Price dans vie...


Steve- C’est pas là qu’j’les ai pris.


Jacques- Bon ben, fuck les ballounes!


Diane- Ben voyons Jacques, un party de fête pas de ballounes...


Isabelle- Jacques y’aime ça briser les traditions.


Steve- De toute façon, ce sera pas un ben gros party avec le temps qui fait... La moitié du monde va changer d’idée.


Jacques- Ouin ben, la moitié de pas grand-chose, ça donne pas beaucoup.


Diane- En tout cas ce sera toujours plus que si c’était ta fête à toi.


Isabelle- Oh! Les couteaux volent bas.


Diane- C’t’une joke. Voyons donc. Eille, avec le nombre de vacheries qui peut dire dans une soirée, quand ben même que j’y en enverrais une...


Jacques- J’t’ai tu fait d’la peine, ma pauvre ‘tite Diane?


Steve- Ça change rien au fait qui fait un temps de chien pis que l’monde se pointera pas.


Jacques- En autant que l’fêté change pas d’idée lui aussi...


Diane- Yé supposé être là à 8 heures et demi. Y soupait chez sa marraine, ça me surprendrait qu’y étire ça.


Steve- Ça nous laisse un gros 10 minutes.


Jacques- (Sur le ton d’un film d’espionnage) Ajustons nos montres!

20.10.11

La vie est terrible. Et c'est tout ce qu'on a. Je ne vois aucune délivrance dans l'absence de vie. Rien n'est plus laid qu'un corps inerte.

19.10.11

Les choses allaient plutôt bien pour le sergent détective Kwasniewski; la criminalité était en baisse depuis trois années consécutives, surtout du côté des crimes violents; le lieutenant Bowman risquait fort d’être promu, ce qui pavait la voix au sergent  «Kwas» pour le poste de lieutenant. Ce n’était pas garanti, mais il avait l’expérience, la compétence, et, élément non négligeable, il avait le respect de ses collègues et supérieurs.


Ceci dit, il n’était pas pressé. Il aimait être sergent détective. C’était un homme de terrain. Il n’aimerait certainement pas être sergent détective dans une ville comme New York ou Chicago, mais le Rhode Island n’était justement pas New York ni Chicago, et il en remerciait le ciel chaque jour. Ce n’est pas qu’il déteste les grandes villes en soi, mais il était persuadé que de pratiquer le métier de policier dans une métropole ne pouvait que vous saper le moral jusqu’au jour de votre retraite. Bien sûr, certains de ses prédécesseurs aimaient ressasser le passé avec des histoires de crimes sordides, mais le sergent Kwas était persuadé que ses crimes étaient grandement exagérés. Il en avait acquis la certitude lorsqu’il avait personnellement vérifié les archives.


Ça ne le troublait pas autant que d’habitude ce matin de se rendre à la morgue. Le ciel était d’un gris colérique et il préférait nettement être à l’intérieur avant que l’orage n’éclate. Et puis il s’agissait sûrement d’un suicide ou d’une mort accidentelle; les statistiques étaient de son côté lorsqu’il était question de décès d’itinérants. L’homme avait probablement trop bu et fait une chute mortelle en tombant du toit de l’entrepôt désaffecté où on a trouvé le corps. Le détective Oswald avait passé une partie de la nuit à fouiller l’édifice en question. L’excès de zèle d’Oswald faisait toujours sourire le sergent Kwas. Il prendrait plaisir à lire tous les détails de son rapport à son retour au bureau, et probablement que vers 17h tout serait réglé et qu’il pourrait aller prendre une bière avec ses copains, au pub, comme tous les vendredis. La vie policière du sergent Kwas devenait étrangement confortable, et ce concept lui trottait souvent dans la tête, comme si c’était quelque chose qui ne devait pas être.


Une fois arrivé à la morgue, il se dirigea vers la salle d’autopsie, où le docteur Lescault l’attendait. Lescault semblait perplexe. Le sergent Kwas se doutait que l’histoire ne serait pas aussi simple qu’il l’avait souhaitée et appréhendait les premières paroles du médecin légiste. D’autant plus qu’il n’avait jamais pu le blairer, lui et son absence de sens de l’humour. Les gens sérieux l’énervaient. Le sergent Kwas avait aussi appris un jour que Lescault ne supportait aucun type de musique, et ça le rendait socialement suspect à ses yeux. 


Kwas soupira. «Alors?»


«Rien de très compliqué», dit Lescault avec son sourire le plus condescendant. «Votre homme est mort hier soir quelque part entre 22h et 1 heure du matin. Aucun papier d’identité. Aucune clé. Il avait sur lui 17$ et une carte banquaire. Une banque canadienne. Il nous faudra un peu de temps, à cause de la bureaucratie, pour savoir qui est le détenteur de la carte. Maintenant, j’aurai besoin de faire des analyses plus poussées pour établir avec certitudes la cause de son décès.


Kwas était surpris. «La chute ne l’a pas tué?»


«Non, l’hématome et la fêlure sur son crâne sont post mortem. Il était déjà mort lorqu’il a fait sa chute.» Lescault pouvait lire la déception sur le visage de Kwas  et savourait ce moment. «Il avait aussi ce document sur lui, collé à même la peau de son ventre, avec du ruban adhésif». 


Lescault remis à Kwas un document écrit à la main, dans une enveloppe de plastique translucide. C’était plutôt volumineux, une centaine de pages au moins. Kwas jeta un coup d’oeil vers le corps, sur la table d’autopsie. L’homme était de grande taille avec un physique de videur de boîtes de nuit.


«Plutôt bien nourri pour un itinérant, non?» dit Kwas.


«Plutôt. Sans doute un bohème, ou un malade psychiatrique qui a échappé au système.» dit Lascault. Kwas nota tout le jugement du monde dans la façon dont Lascault prononça le mot «système». «Ceci dit, son taux d’alcoolémie est faible. Il consommait, mais pas de façon maladive. Aucune trace de drogues dans le sang».


Kwas nota aussi que l’homme sur la table d’autopsie était sale, mais pas d’une crasse accumulée par manque d’hygiène personnelle. Une saleté récente.


«Merci Lascault». Et Kwas quitta la salle d’autopsie, sans attendre les salutations de Lascault, car elles ne venaient pas toujours.


Le sergent Kwasniewski rentra au bureau. Et bien qu’il dû se rendre à l’évidence qu’il ne serait pas au pub à 17h avec les copains, il était tout de même satisfait que l’orage fût passé alors qu’il était à la morgue. Pour aujourd’hui, il se contenterait de cette petite victoire.

18.10.11

-«Je suis un trou. Un trou immense. Je me souviens plus d’avant le trou. Suis-je né trou? J’ai pourtant plus l’impression d’une érosion, froide et méthodique. Chaque regard chaleureux, chaque sourire, chaque étreinte sont autant de poignées de terre qui remplissent le trou. Mais combien de sourires, combien de regards et combien d’étreintes faut-il pour remplir le Grand Canyon? C’est long, longtemps. Ça prendrait un météore, une planète entière qui viendrait s’écraser contre ce trou et le remplirait d’un seul coup. Une collision. Il me faut une collision.»

17.10.11

Après trois jours d'une douleur infernale passés dans une chambre d'hôtel de la dimension d'un carré de sable, toujours sans nouvelle de l'ambassade, j'ai donc pris les grands moyens, et sur les conseils de Youssef, je me suis dirigé vers le cabinet du dentiste. Plus le choix. J'ai dû avoir épuisé le stock de trois douzaines de pharmacies et la douleur était toujours là, insupportable, comme si un éléphant tentait de naître dans une molaire. Je suis donc sorti, malgré une haleine à tuer net une volée d'outardes, et je me suis dirigé vers les bureaux du docteur Ben Ghali. Docteur devait être un bien grand mot, malgré les recommandations de Youssef. Youssef, oui, avec son sourire comme un clavier de piano.

16.10.11

C'était la première fois que l'on apercevait Mrs Debbenham hors de sa cabine depuis la fin de la tempête. Elle était encore troublée. Son fard à joues n'arrivait pas à cacher son teint verdâtre et son regard alternait nerveusement de droite à gauche, et de gauche à droite, comme si elle craignait qu'un vent sournois s'était caché et attendait le moment propice pour la lancer par-dessus bord.

15.10.11

On aime ce qui sonne vrai,
ce qui ne nous semble pas avoir été cent fois remâché.

La vie on la joue à l'oreille.

14.10.11

Personne, pas même lui, ne savait quelle date il était né.
Même tout jeune, lorsqu'ils le rencontraient, ses amis lui disaient "bonne fête!" en guise de bonjour.
Juste au cas où.
Le surnom lui est resté.

12.10.11

Branle-bas de combat: expression qui sonne comme une campagne agressive de masturbation.

11.10.11

Il n'avait jamais compris que l'on puisse préférer être diverti plutôt que guidé.
Il n'avait jamais accepté qu'Elvis soit plus populaire que l'oracle de Memphis.

10.10.11

Elle n'était pas téméraire.
Elle n'avait qu'un courage limité.
Elle ne croyait pas que ça suffisait.

Avant