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Tous les textes, sauf indication contraire: © Jean Robert Bourdage 2012 - 2019

6.11.11

Vrai comme j't'icitte, drette comme chu là!

«Tu m’crés pas?! Bonyenne, mon étole, tu mériterais juss que ch’t’en sacre une «PAF!» su’l’dos. T’aurais l’air fin, tout écartillé, ton ti sourire de fendant déplacé de trois pouces!

T’arrives icitte toé-là, fais même pas trois jours que t’es arvenu pis tu nous traites d’arrièrés! Je te raconte pas Gros Jambon ou un histoire de ma grand-mère, là! Ce que je te raconte, c’est vra. M’a t’la raconter l’histoire, mais si tu rouvres ta tite crisse de gueule de baveux rien qu’une fois, POW! j’t’étampe dans l’mur! 

En 95, l’industrie capote, tout le monde décide de virer écolo, les boss veulent pas prendre de chance, fait qu’y ferment el chantier le temps que ça passe. Jocelyn Racine, qui s’était toujours cru plus fin qu’les autres, y s’est dit que pendant que toutt est arrêté, qu’y pourrait prendre d’l’avance pis se monter un gros bonus quand l’chantier r’partirait, pis qu’y pourrait s’acheter sa motocross qu’y a toujours rêvé d’avoir. Chaque soir, y nous en parlait, assis au bar, y faisait semblant d’avoir les mains s’es pognées «Angne gnan gnan gnan gnan!» Y nous tapait s’es nerfs pas à peu près avec son ostie d’bécyk qu’y allait s’acheter. Pis y nous contait comment son bonus allait être gros pis qu’y allait s’faire venir son Kawa de Baie-Comeau. Thompson, qui disait rarement un mot, s’est mis à l’ergarder un soir, pis y dire «Eille toé, dis moé pas que t’entres su’l’chantier illégalement. M’as te crisser l’union din jambes!» Racine répondait avec un p’tit sourire de fendant, un peu comme toé. 

On l’voyait jamais d’la journée. Nu zautres on était quasiment au chômage, mais Racine se pointait jamais avant l’milieu d’la soirée. Un soir, je l’ai pogné din coin pis j’y ai dit: «Écoute mon Joce, va falloir tu me dises ousske tu l’prends ton bois. Pis là, l’ostie de cave de Racine qui me répond qui est en train de vider l’bois Wapinaki. J’ai crissé mon bock de biére su’l bar «Vlang!» pis j’y ai dit: T’es malade câlisse! C’est chez indiens! Même eux-autres veulent pu y aller tellement qu’y s’est passé des affaires bizarres là!  Mais Racine m’a ri dans face, comme toé, y a calé sa biére «eglou eglou», pis y é rentré.

Un mois plus tard, le chantier était réouvert, pis Racine avait effectivement faitte le motton, pis yé arrivé à taverne avec un cass en dessous du bras, pis y nous dit de v’nir dehors. Thompson l’envoye chier d’aplomb, pis Racine, insulté, criss un tabouret par terre, «Bedang!» pis y ressort. Je pars après lui mais j’ai jusse el temps de l’voir partir quasiment su’ne roue en direction du bois Wapinaki. 

Même pas dix menutes après, on entend un cri d’mort «AAAAAH!» avec l’bruit du bécyk. On sort toute la gang, pis on voué Racine arriver, à cent milles à l’heure, pu d’cass, qui regarde en arriére, comme si l’yable le poursuivait.  Y s’dirige vers el garage à Gaétan, nous autres on coupe dans ruelle, pour arriver en même temps, pis c’est là qu’un gros bruit sourd s’est fait entendre «BROOOOOOOO», la terre s’est mis à shaker, mon homme, pis là, l’asphalte de la rue principale s’est ouverte comme une gueule béante, comme si l’enfer elle même était en train de sortir pour nous battre à grands coups de poings dans l’s’y-vous-plaît. Pis Racine qui crie «NAAOOOON!!» en rentrant dans grand gueule de terre, pis là, «BOOOOM», l’asphalte s’est r’farmée. Pu d’traces de Racine pis d’son bécyk... 

Fa que, met ça dans ta pipe el jeune, pis prends en une grande poffe avant d’nous traiter d’arriérés.

Avant